vendredi 14 juin 2019

Vendredi 22 juin 2018


« Le temps d’un viol, le monsieur de l’escalier s’est immiscé dans les replis de mon  cerveau. Il a laissé sa haine et sa perversité macérer dans l’antichambre de ma mémoire, et jour après jour, elles m’ont dégouliné au-dedans, elles ont colonisé chacune de mes pensées, elles ont contaminé ma vie. Une invasion invisible que nul ne m’a aidée à déceler, à nommer, à comprendre.
Depuis ce dimanche du mois de mai, vingt-quatre années d’invasion par effraction, à toute heure, à tout instant. Pensée de boue après pensée de boue, je me suis retrouvée enterrée tremblante, écrasée sous la haine de moi-même et la terreur que ça se voit, que ça se sache.
Et aussi et surtout cette pensée-poison depuis la naissance de l’enfant chéri.
Je pourrais détruire mon propre fils.
Non, ces pensées de boue ne m’appartiennent pas. C’est à lui, la boue. »

Adélaïde Bon, qui explique d’ailleurs très bien et avec beaucoup de courage la lutte permanente qu’elle a mené pour éviter les mauvaises pensées et ne pas faire de mal à son fils.
Si mes pensées n’ont pas été aussi difficiles à gérer que les siennes, pas aussi horribles (sans doute parce que j’ai eu une fille et non un garçon ?) j’en ai tout de même eu après la naissance de ma fille.
J’ai eu cette peur de perdre le contrôle, cette peur de lui faire du mal contre mon gré.
Aujourd’hui encore, j’évite les câlins trop longs, j’ai du mal avec le contact physique de ma propre fille, je ne supporte pas de la voir nue.
Car le monstre rôde… Ces pensées ne sont pas miennes, et pourtant elles sont là.
Cette sensation étrange que, l’espace d’un instant, le monstre est entré en moi pour ne plus jamais en sortir. Comme si la pénétration s’était également faite d’esprit à esprit… Et alors, après le viol physique, le viol permanent de l’esprit, la lutte jour après jour pour exister.
Ma fille, qui est très tactile et a énormément besoin de câlins, comprendra-t-elle plus tard les combats intérieurs qui m’assaillent parfois ?

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