« Le temps d’un viol, le monsieur de l’escalier s’est immiscé dans les
replis de mon cerveau. Il a laissé sa
haine et sa perversité macérer dans l’antichambre de ma mémoire, et jour après
jour, elles m’ont dégouliné au-dedans, elles ont colonisé chacune de mes
pensées, elles ont contaminé ma vie. Une invasion invisible que nul ne m’a
aidée à déceler, à nommer, à comprendre.
Depuis ce dimanche du mois de mai, vingt-quatre années d’invasion par
effraction, à toute heure, à tout instant. Pensée de boue après pensée de boue,
je me suis retrouvée enterrée tremblante, écrasée sous la haine de moi-même et
la terreur que ça se voit, que ça se sache.
Et aussi et surtout cette pensée-poison depuis la naissance de l’enfant
chéri.
Je pourrais détruire
mon propre fils.
Non, ces pensées de boue ne m’appartiennent pas. C’est à lui, la
boue. »
Adélaïde Bon, qui explique d’ailleurs très
bien et avec beaucoup de courage la lutte permanente qu’elle a mené pour éviter
les mauvaises pensées et ne pas faire de mal à son fils.
Si mes pensées n’ont pas été aussi difficiles
à gérer que les siennes, pas aussi horribles (sans doute parce que j’ai eu une
fille et non un garçon ?) j’en ai tout de même eu après la naissance de ma
fille.
J’ai eu cette peur de perdre le contrôle,
cette peur de lui faire du mal contre mon gré.
Aujourd’hui encore, j’évite les câlins trop
longs, j’ai du mal avec le contact physique de ma propre fille, je ne supporte
pas de la voir nue.
Car le monstre rôde… Ces pensées ne sont pas
miennes, et pourtant elles sont là.
Cette sensation étrange que, l’espace d’un
instant, le monstre est entré en moi pour ne plus jamais en sortir. Comme si la
pénétration s’était également faite d’esprit à esprit… Et alors, après le viol
physique, le viol permanent de l’esprit, la lutte jour après jour pour exister.
Ma fille, qui est très tactile et a énormément
besoin de câlins, comprendra-t-elle plus tard les combats intérieurs qui
m’assaillent parfois ?
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