vendredi 14 juin 2019

Mardi 21 août 2018


Elle marchait sur les trottoirs, en équilibre.
Un pied, et puis l’autre, risquant de tomber sur la route à chaque pas. Mais elle s’en fichait.
La vie ou la mort, quelle importance… Pour elle, c’était pareil.
Doucement, elle s’était enfoncée dans cet épais brouillard lui masquant la réalité. Il n’y avait plus de plaisir, il n’y avait que la douleur.
Elle connaissait le moment exact à partir duquel tout était devenu plus difficile, le moment qui avait tout fait basculer. Elle le connaissait par cœur…
Personne ne lui demandait jamais comment c’était là en bas, comment est l’enfer.
Personne ne demandait, parce que personne ne savait : elle avait fabriqué une façade, un sourire qui faisait joli sur son visage, pour éviter les questions. Il le fallait, parce qu’elle refusait de leur laisser voir le monstre. Elle le gardait pour elle, bien en sécurité, là où il ne pouvait blesser personne. Et même là, rien n’était sûr…
Elle était incapable de vivre comme ils vivaient, de ressentir ce qu’ils ressentaient.
Ils ne connaissaient pas le goût de l’enfer, ils n’avaient pas eu à y aller, ils n’avaient pas eu à vivre ces horreurs. Ils étaient sains, trop sains.
Elle sentait bien qu’elle ne faisait pas tout à fait partie du paysage, comme si elle avait été marquée… Leur monde était beau, elle ne voulait pas le salir.
Elle a fait le vide autour d’elle, comme pour éviter la contagion.
Elle est restée seule, longtemps, sur cette route. Elle croisait parfois des gens comme elle, passés eux aussi par on ne sait quel enfer.
Un regard, un sourire suffisait pour deviner, à croire qu’ils se reconnaissent et se comprennent entre eux, comme si la marque était réelle et non seulement dans leur tête.
A cette époque, elle ne savait pas qu’on pouvait en sortir. Elle ne savait pas qu’on pouvait revenir dans le monde des vivants, se faire une place avec un vrai sourire au lieu d’un masque. Même si, évidemment, on ne peut rien effacer. Même si le retour à la vie est difficile après avoir si longtemps marché hors de tout… Mais rien n’est impossible, jamais…

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