On parle beaucoup de libérer la parole.
Il faut parler, il faut dire, il ne faut pas
rester seul dans le silence… C’est vrai.
Mais comment parler quand on n’a pas de
mémoire ?
Comment libérer un enfant ou un adulte
dissocié, qui vit sa double vie comme le jour ignore la nuit, qui met un voile
sur ce qu’on lui a fait ?
Qui aurait pu me mettre en confiance, m’aider
à parler, tant que je ne m’étais pas souvenue ?
Personne.
Ma mémoire était complètement verrouillée,
jusqu’aux déclics qui lui ont permis de s’ouvrir.
Et ces déclics, on ne peut pas les provoquer,
de même que dire « parle, et je te croirai » ne provoquera pas
automatiquement la confiance…
Il y a des choses que l’on peut dire, des
symptômes à surveiller, des mots à écouter.
Car les enfants disent, avec leurs propres
mots, et nous ne comprenons pas toujours…
Il y a des choses qu’un enfant éviterait de
faire ou ferait trop, des réactions qu’il pourrait avoir à nos paroles ou à nos
gestes.
De multiples détails…
Et si on passe à côté, tout est perdu.
Je ne crois pas une libération de la parole
quasi instantanée.
En tant qu’enfant, on s’enferme, et l’adulte
que nous devenons vit emprisonné.
Il faut beaucoup de temps. Il faut mettre en
confiance, se montrer présent, à l’écoute.
Aborder le sujet lentement, créer une
ouverture.
Laisser chacun aller à son rythme de prise de
conscience, laisser réfléchir à dire ou ne pas dire.
Et une fois tout cela fait, il faut encore ne
pas couper la parole, bien choisir ses mots, ne pas remettre en doute.
Ne pas montrer sa propre souffrance liée aux
révélations.
Et encore tellement d’autres choses…
Tout cela est très long, de même que la
mémoire se libère petit à petit, à mesure que nous grandissons, pour nous qui
avons oublié…
C’est un temps de travail, une maturation
nécessaire.
Si nous voulons bien faire, il faut
malheureusement ne pas faire trop vite ni trop fort.
A risquer de vouloir faire éclater absolument
la parole, faire naître la vérité, on pourrait créer encore plus de souffrance.
S’ouvrir, parler, oser, ça prend du temps.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire