A une époque, j’avais besoin de témoignages,
j’en ai lu et vu beaucoup parce que j’avais besoin de m’accrocher à des
personnes ayant vécu les mêmes choses que moi.
Mais à travers tout cela je cherchais des
récits détaillés de la tempête intérieure que je vivais, et je voulais savoir
ce que ces victimes avaient fait pour guérir cette tempête.
Or dans les livres, les documentaires, à
travers leurs témoignages, les victimes ne faisaient jamais que dire Voilà ce
qui m’est arrivé, Voilà ce qu’on m’a fait.
Et puis J’ai parlé/J’ai été cru (ou pas)/ J’ai
porté plainte, fin de l’histoire.
Il était très peu question des conséquences
psychologiques, des marques qui resteront à vie.
Trop peu de témoignages évoquaient la
destruction, la dépression, l’explosion interne.
Le corps qui rappelle les souvenirs.
L’esprit éclaté en morceaux.
Le présent qui reste difficile et les efforts
de chaque jour pour se lever le matin, les moments de tristesse, les moments de
faiblesse qui existent même après avoir parlé, même après avoir écrit.
Il y a comme une pudeur à ne pas dire Je suis
psychologiquement détruit, j’ai des difficultés aujourd’hui encore, des
flash-back, une simple odeur me rappelle...
Les victimes, invitées à la télévision après
avoir écrit un livre, racontent de nouveau leur histoire, en ayant l’air
d’aller bien comme si parler ou écrire les avait magiquement guérit…
Je n’y crois pas.
Cela donne l’impression que c’est trop
simple : « parlez, et vous irez mieux ».
Il n’y a rien de magique, parler ne résout pas
la destruction de l’esprit et tous les efforts qu’il y a à faire derrière pour
s’accrocher, gérer le quotidien.
Quand j’étais jeune, je me disais que si ces
personnes étaient là, debout, vivantes, à parler publiquement, sans rougir d’aucune
question, sans se tortiller les mains, c’est qu’elles avaient trouvé la
solution.
Et je me suis toujours sentie en manque parce
que j’avais besoin de savoir ça, ce qui se passe vraiment dans la tête d’une
victime, pour m’aider à me comprendre mieux.
J’étais naïvement à la recherche de la victime
victorieuse ayant combattu tous ses démons.
J’avais besoin qu’on me prouve que c’était
possible de le faire, j’avais besoin de cet espoir-là.
Aujourd’hui je pense qu’il n’y a pas de héros
et que chacun gère ses problèmes dans l’ombre.
Il y a des choses dont certaines victimes ne
parlent pas, qu’elles n’évoquent pas, mais ça ne veut pas dire que c’est facile
pour elles aujourd’hui encore…
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