vendredi 14 juin 2019

Samedi 02 février 2019


A une époque, j’avais besoin de témoignages, j’en ai lu et vu beaucoup parce que j’avais besoin de m’accrocher à des personnes ayant vécu les mêmes choses que moi.

Mais à travers tout cela je cherchais des récits détaillés de la tempête intérieure que je vivais, et je voulais savoir ce que ces victimes avaient fait pour guérir cette tempête.

Or dans les livres, les documentaires, à travers leurs témoignages, les victimes ne faisaient jamais que dire Voilà ce qui m’est arrivé, Voilà ce qu’on m’a fait.
Et puis J’ai parlé/J’ai été cru (ou pas)/ J’ai porté plainte, fin de l’histoire.

Il était très peu question des conséquences psychologiques, des marques qui resteront à vie.

Trop peu de témoignages évoquaient la destruction, la dépression, l’explosion interne. 
Le corps qui rappelle les souvenirs.
L’esprit éclaté en morceaux.
Le présent qui reste difficile et les efforts de chaque jour pour se lever le matin, les moments de tristesse, les moments de faiblesse qui existent même après avoir parlé, même après avoir écrit.

Il y a comme une pudeur à ne pas dire Je suis psychologiquement détruit, j’ai des difficultés aujourd’hui encore, des flash-back, une simple odeur me rappelle...

Les victimes, invitées à la télévision après avoir écrit un livre, racontent de nouveau leur histoire, en ayant l’air d’aller bien comme si parler ou écrire les avait magiquement guérit…

Je n’y crois pas.
Cela donne l’impression que c’est trop simple : « parlez, et vous irez mieux ».
Il n’y a rien de magique, parler ne résout pas la destruction de l’esprit et tous les efforts qu’il y a à faire derrière pour s’accrocher, gérer le quotidien.

Quand j’étais jeune, je me disais que si ces personnes étaient là, debout, vivantes, à parler publiquement, sans rougir d’aucune question, sans se tortiller les mains, c’est qu’elles avaient trouvé la solution.
Et je me suis toujours sentie en manque parce que j’avais besoin de savoir ça, ce qui se passe vraiment dans la tête d’une victime, pour m’aider à me comprendre mieux.

J’étais naïvement à la recherche de la victime victorieuse ayant combattu tous ses démons.
J’avais besoin qu’on me prouve que c’était possible de le faire, j’avais besoin de cet espoir-là.

Aujourd’hui je pense qu’il n’y a pas de héros et que chacun gère ses problèmes dans l’ombre.
Il y a des choses dont certaines victimes ne parlent pas, qu’elles n’évoquent pas, mais ça ne veut pas dire que c’est facile pour elles aujourd’hui encore…

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