vendredi 14 juin 2019

Dimanche 09 septembre 2018


Il y en a qui collectionnent les timbres. Elle, elle collectionne les morceaux d’elle-même.
Elle met bout à bout tout ce qu’elle récolte, des informations précieuses à son sujet. Choses oubliées, souvenirs flétris, odeurs anciennes, photos décolorées.
Elle consigne soigneusement ce dont elle se souvient.
Peu à peu, elle rassemble, organise, étudie.
Elle n’a pas de chronologie sûre mais il y a des marques temporelles, des événements qui s’enchaînent entre eux d’une manière logique. Alors elle essaie, avec le peu qu’il lui reste, d’établir un ordre.
Et puis, il y a les trous. Comment remplir les trous, par quoi les remplacer, va-t-elle savoir un jour ce qu’ils cachent ?
Elle se sent défaillante. Incomplète.
Il arrive qu’on lui parle de qui elle était avant, de ce qu’elle faisait avant, de choses dont elle ne se souvient pas. En secret, elle prend note, pour garder des traces.
Au fil du temps, elle a fait couler des tonnes et des tonnes d’encre : toute sa vie, en tout cas ce dont elle se souvient.
Elle écrit sur le présent, de la même manière. Elle note frénétiquement tout ce qu’elle ne veut pas oublier. Tout ce dont il est urgent de se souvenir.
Parce qu’on ne sait jamais. Et si la mémoire disparaissait encore ?
Il y a eu dans sa vie d’adulte -elle le sait, elle le voit maintenant- des périodes de flottement, de transition, au cours desquelles elle semblait se renouveler et oublier l’ancienne version d’elle-même. Comme un serpent pendant la mue.
Elle n’aime pas ces cassures dans son rythme, ces oublis, ces pertes d’habitudes. C’est pour ça qu’elle note tout, pour pouvoir y revenir au cas où…

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