Dimanche 23 septembre 2018

[Un texte que j’ai écrit en 2014]

« J’ai peur de mourir.

J’ai peur de ne plus exister.

J’ai peur du noir.

Je n’aime pas qu’on me touche.

Je n’aime pas le silence. Le silence me tue. Le silence me nie.

J’ai peur du silence.

Parce que, dans le silence, j’ai l’impression de ne pas exister. Qu’on ne me fait pas exister. Qu’on ne me laisse pas exister. Le silence existe à ma place. Le silence m’étouffe. Il me pourrit à l’intérieur.

J’ai trop utilisé le silence. Ne pas parler, ne rien dire. Avoir peur de dire. Je ne veux plus de silence, plus d’espace entre les mots, entre les gens.

Depuis que j’ai commencé à parler je ne peux plus m’arrêter. Je ne veux plus m’arrêter. La parole, tous ces mots qui mettent ces choses en forme. Ce qu’on m’a fait.

Je n’ai plus envie de me taire. Je ne me tairai plus jamais. Je ne veux plus qu’on me fasse taire. Je veux tuer le silence pour que le silence ne me tue pas. La parole me fait exister.

Je ne veux plus qu’on m’oblige à me taire. Je veux être. Je ne veux plus qu’on décide à ma place de ce que je suis ou de ce que je devrais être. Je ne veux plus qu’on le fasse pour moi.

Je ne veux pas qu’on remette en doute ma parole si je sais ce qui est. Parce que je sais ce que j’ai vécu. Je le SAIS. Je ne veux pas qu’on mette en doute mes souvenirs, parce que mes souvenirs existent, qu’ils plaisent ou non.

Je ne veux plus permettre qu’on me fasse du mal. Je n’ai plus deux ans. Je suis une adulte, capable de me défendre, et j’irai jusqu’au bout s’il le faut.

Je ne veux plus me laisser marcher sur les pieds. Je veux me défendre. Je ne veux pas mourir étouffée par le silence, je veux vivre.

Je veux vivre, parler, hurler, s’il le faut. Je ne me laisserai pas faire. Je dirai que j’existe. Et le monde saura que j’existe. »