dimanche 31 janvier 2021

Dimanche 31 janvier 2021

 

J’ai l’impression de ne jamais avoir assez de mots pour expliquer ce qui se passe dans le noyau du traumatisme…

 

Le dégoût, la colère, la tristesse, la rage, ces mots sont trop simples, ils ne suffisent pas.

 

L’impression d’avoir été enterré vivant et l’envie de sortir du tombeau.

 

La sensation de ne jamais être la bonne personne à la bonne place.

 

Se sentir de trop, se sentir en dehors de tout.

 

A côté de la plaque, à côté du monde, au point d’avoir besoin de hurler.

 

Invisible, inexistante, monstrueuse, abominable.

 

Sale.

 

L’obligation de vivre dans ce corps avec ce qu’il a vécu et les souvenirs qu’il en a.

 

Avoir comme des poids accrochés à mes pieds, qui m’empêchent d’être libre.

 

Le sentiment d’échouer en permanence.

Échec d’être. Échec de vivre.

 

Je ne vois rien  de positif.

 

Je me sens comme un monstre.

 

Pourtant  je sais que ce n’est pas moi qui suis horrible, atroce, dégoûtante, mais ce qu’on m’a fait.

 

Et il faut encore et encore recommencer cette leçon : tu n’es pas un monstre, tu fais de ton mieux avec ce qu’on t’a laissé, tu es capable de rayonner, bien plus que ceux qui font ce qu’on t’a fait.

 

 

 

jeudi 28 janvier 2021

Jeudi 28 janvier 2021

 

Parfois j’ai envie d’abandonner,

Parfois j’ai peur.

 

Si je dois être honnête,

Il faudrait dire :

J’ai peur tout le temps

Et j’ai envie d’abandonner sans arrêt.

 

Je voudrais recommencer ma vie,

Je voudrais n’avoir jamais été là,

N’avoir jamais vécu ça.

 

Ce n’est pas l’envie de mourir,

C’est l’envie de disparaître.

 

Ce n’est pas le dégoût de vivre

C’est l’envie d’avoir vécu autre chose

Que ça.

 

Parfois j’ai des images horribles, bizarres,

De ma tête qui éclate

Et du bien que ça me ferait, finalement.

 

Je n’ai jamais voulu de cette vie

Et je n’ai jamais voulu tout ça,

Tout ce que je fais en ce moment.

 

Si je pouvais m’en passer,

Je le ferais.

 

Mais je n’ai pas d’autre choix.

Et je n’en ai jamais eu d’autre.

 

Si je veux reprendre ma vie là où je l’ai laissée autrefois

Il faut passer par tout ça.

 

Et même si je me sens vieille,

Même si j’ai l’impression que c’est trop tard,

Parce que ce qui a été fait

Ne sera jamais défait,

 

J’ai envie d’essayer.

 

Il me reste peut-être encore quarante années à vivre.

 

Et même si je meurs demain,

Je pourrais être fière de l’avoir fait quand même.

 

 

 

 

mardi 26 janvier 2021

Mardi 26 janvier 2021

 

Le problème c’est qu’on ne vit pas dans le même monde qu’eux.

Le monde dans lequel nous vivons est fait de violence, de manipulation, et de sexe.

 

Nous parlons viol, nous parlons emprise, nous parlons de la mémoire qui essaie d’oublier, de la honte qui nous empêche de bouger, de la peur qui nous empêche de parler.

 

Ils répondent simplement et seulement, toujours :

Pourquoi parler si tard ? Pourquoi ne pas l’avoir dire avant ? Pourquoi avoir laissé faire ?

 

On essaie de dire, de leur faire comprendre :

Je ne pouvais pas parler, avant.

Parce que je ne savais pas que ce n’était pas bien, parce que je ne pensais pas que l’on pourrait m’aider, parce que j’avais peur qu’on ne me croit pas.

 

On essaie de leur dire encore :

Je n’ai pas laissé faire, je ne l’ai pas voulu, je ne l’ai pas désiré.

Je ne me suis pas débattu, parce que je me sentais faible. Ou encore, parce que j’aimais cette personne, et je ne pensais pas qu’elle me ferait du mal.

 

Et on essaie encore :

C’était tellement violent que mon cerveau s’est déconnecté, ma mémoire s’est fracturée, j’ai oublié tout ça pour me protéger.

 

Mais on dirait qu’ils n’écoutent pas, pas assez bien, pas assez comme il faut en tout cas.

 

Combien de temps va durer cette farce ?

Combien de temps perdu encore, passé à leur expliquer ?

 

Non, un enfant ne peut pas consentir à des actes sexuels adultes, ni à 13 ans ni à 15.

Parce qu’il s’agit bien de sexe, et non d’amour.

Il s’agit de pouvoir, et non d’amour.

C’est de la violence, c’est de l’emprise, mais ce n’est pas de la relation.

 

Un adolescent n’est pas égal dans une relation avec un adulte.

On apprend aux enfants à obéir aux adultes, on apprend aux enfants que les adultes sont tout-puissants et décideurs.

Et certains adultes profitent de ça, pour utiliser les enfants comme jouets sexuels…

 

Comment leur expliquer, à la fin ?

 

samedi 23 janvier 2021

Samedi 23 janvier 2021

Ces temps-ci, je m’efforce de ne pas sentir l’étau qui se resserre sur moi dès que je fais un pas de plus vers la sortie du silence.

 

Le sceau du secret est tellement lourd que

Parler me fait mal

Parler me fait peur

Parler m’étrangle

 

Et je dois dépasser ça.

 

Ce n’est pas à moi d’avoir peur. Parler est nécessaire à ma liberté.

Je dois me libérer du silence, de sa pression qui m’enserre et me tue.

 

Je continuerai de parler malgré cette pression interne que je sens en moi.

Malgré cette loyauté étrange et passée, ce pacte que l’agresseur a voulu conclure avec moi, et que j’ai tenu malgré moi.

Il n’est plus question de baisser la tête et garder le silence, conserver le secret jusqu’à en mourir.

 

Je continuerai de parler jusqu’à ce que ça ne me fasse plus mal.