vendredi 10 décembre 2021

vendredi 10 décembre 2021

 

Ces dernières semaines, j’ai douté, beaucoup.

J’ai peur de ne plus y croire.

 

Parler, pour quoi faire ?

Inciter les victimes à parler, pour quoi faire ?

 

Porter plainte, pour quel résultat ?

 

Aller si loin, pour se détruire encore, est-ce que c’est ça la reconstruction ?

 

Je n’ai pas de réponse à ces questions.

Ou bien mes réponses deviennent toutes négatives.

 

Je sais pourtant, malgré mes doutes, que

Parler m’a fait du bien,

Porter plainte m’a fait du bien,

Et que la reconstruction, malheureusement, passe aussi par une forme de destruction et de souffrance.

 

Je sais aussi que malgré mes souffrances actuelles, si je devais recommencer le chemin, je le referai exactement tel que je l’ai fait. Et sans aucun regret.

 

Mais si autrefois j’aurais incité les victimes à parler ou porter plainte à leur tour, aujourd’hui je pense que je serais plus nuancée.

 

Parce que ce chemin est difficile et qu’il demande beaucoup de force.

Parce que, même quand tu crois être prête à le faire, tu ne l’es pas.

Parce que tu risques la destruction totale à chaque nouveau pas.

 

J’étais naïve.

Je pensais que je serai écoutée.

Je pensais qu’il s’agissait de porter plainte et que l’agresseur avoue.

Je pensais que je serai soutenue, et quoi qu’il arrive, parce que j’étais du côté de la vérité.

 

La réalité est toute autre, et on n’est jamais assez préparé.

Le fait est que tu ne seras pas forcément écoutée.

L’agresseur n’avouera pas, jamais. Ou du moins, ne t’attends pas à ce qu’il le fasse.

Les pires choses seront dites à ton sujet.

Et tu ne seras pas forcément soutenue, parce qu’il y a des gens qui détestent la vérité, et qui détestent encore plus ceux qui la disent.

 

Il faut que tu t’attendes à être souillée, plus encore que tu ne l’as jamais été.

Et il faut que tu apprennes à ne pas réagir, garder ton calme en toute circonstance, ne pas répondre aux provocations, aux attaques, mais les accueillir sereinement.

Oui, sereinement…

 

Ta colère voudra tout casser. Mais il ne faudra plus écouter la colère, parce qu’elle empirera la situation : elle fera de toi une hystérique, et leur donnera l’image qu’ils veulent avoir de toi.

 

Ces dernières semaines, j’ai douté et je doute encore.

 

Nous ne voulons rien d’autre qu’obtenir justice après ce que nous avons vécu.

Mais demander justice, c’est apparemment trop demander…

 

samedi 27 novembre 2021

Samedi 27 novembre 2021

 

Je ne suis pas sûre d’y arriver,

Pas certaine de réussir.

 

Après tant de larmes versées

Tant de colères et de tourments,

Et tellement d’angoisses avalées

Médicament après médicament…

 

J’ai pas les mots pour l’écrire

Les mots ont décidé de se taire,

J’ai plus la force de le dire

Toutes ces montagnes me désespèrent.

 

Le chemin derrière moi s’efface

Je fais de plus petits pas,

Le chemin devant moi se trace

Et si je n’y arrivais pas ?

 

Je ne suis pas sûre d’y arriver,

Pas certaine de réussir

Mais je vais quand même continuer

Et encore et encore le dire..

 

Je vais quand même essayer

 

Essayer jusqu’à réussir.

jeudi 11 novembre 2021

Jeudi 11 novembre 2021

 

Ce n’est pas parce qu’on donne l’impression d’y arriver

Qu’on y arrive.

 

Ce n’est pas parce qu’on donne l’impression d’être courageux

Qu’on l’est

 

Ce n’est pas parce qu’on donne l’impression d’être fort

Qu’on l’est

 

Et ce n’est pas parce qu’on donne l’impression de s’en sortir seule

Qu’on a besoin de solitude.

 

Non, on n’y arrive pas tous les jours,

Non, on n’est pas forcément courageux

Et cette force n’est venue que par défaut de la vie,

Tout comme la solitude…

 

Parfois, on aimerait avoir le courage de dire :

Je suis faible

Je n’y arriverai pas toute seule

J’ai peur

J’ai besoin d’aide

 

Mais on n’y arrive pas…

 

Parfois, on aimerait avoir le courage de dire :

Je ne suis pas ce que vous croyez

Je ne suis pas cette image que je vous renvoie

Je suis tout sauf ça.

 

Mais on n’y arrive pas…

 

Parce qu’on a peur du monde, on a peur des gens, on a peur d’appeler à l’aide et de passer pour faible.

Parce que notre force, notre courage, se sont créés dans la solitude la plus totale.

 

Ce que les gens semblent nous envier, ils ne savent pas qu’on l’a gagné dans la douleur.

Et qu’on regrette cette vie qui nous a forgé, cette vie qui nous a donné l’image qu’ils ont de nous…

Alors que tout au fond, il y a une petite fille qui pleure et qui demande au monde « Pourquoi ? »

 

Pourquoi j’ai dû construire mon paradis au milieu de l’enfer ?

 

Et pourquoi je continue de vivre, alors qu’il y a longtemps que j’aurais dû mourir ?

 

Pourquoi faut-il avoir vécu tout ça, pour devenir qui je suis aujourd’hui ?

 

samedi 2 octobre 2021

Samedi 02 octobre 2021

 

La réparation…

 

« Tout ce que je peux dire, c’est que je suis désolée d’avoir parlé, parce que je sais les failles que cela a ouvert, sous vos pieds à tous. » 

 

C’est la victime qui éprouve le besoin de s’excuser d’avoir pris cette place, d’avoir pris la parole, d’avoir dénoncé.

Elle sait que l’agresseur, lui, ne le fera jamais…

 

On porte la culpabilité jusqu’au bout, et la responsabilité aussi.

 

Nous ne sommes pas responsables des actes que nous avons subis, mais nous sommes responsables de porter notre parole, de faire découvrir au monde les vérités cachées, la réalité des choses.

 

Cela a été longtemps douloureux pour nous, et nous savons à quel point cela peut être destructeur pour les autres.

 

C’est la raison de notre silence.

C’est la raison de notre sacrifice.

 

Parler détruit, mais parler répare aussi.

La vérité fait mal, mais elle est nécessaire.

 

Les bases s’effondrent, mais c’étaient de mauvaises bases, et elles se seraient effondrées de toute façon, un jour ou l’autre.

 

Pourtant, il y a le besoin, la nécessité, de s’excuser…

Je suis désolée pour tout ça, désolée de l’avoir dit, désolée que vous l’ayez découvert comme ça.

 

Ce n’est pas à moi de l’être, mais je le suis quand même.

Je le suis pour deux.

Comme depuis le début, je porte cette souffrance et cette vérité pour deux aussi…

 

Je porte tout, j’ai trop porté, et j’ai besoin que vous portiez tout cela avec moi.

Que vous l’acceptiez, même si c’est difficile.

 

Je devrais arrêter de m’en excuser, mais je sais que je continuerai de le faire…

Parce que je sais que l’agresseur n’aura jamais aucun regard en arrière, aucune compassion, et ne s’excusera jamais auprès de moi, ni auprès de vous.

 

Et il faut bien que quelqu’un fasse ça aussi.

Si ce n’est pas lui, il faut que ce soit moi…

 

La victime porte la croix de sa parole qui est destruction, et elle porte aussi celle de la réparation.