Elle était neuve quand il l’a cueillie.
Elle était discrète et simple. Elle ne demandait rien au monde, sinon qu’il reste doux et bon avec elle.
Elle était belle, elle était douce, et il a mordu en elle comme dans un fruit.
Elle a saigné, et il a pris du plaisir à la regarder se vider de son sang, de ses larmes, et de sa vie.
Mais il ne savait pas qu’elle était forte, il ne savait pas qu’elle pourrait survivre.
Elle a nettoyé le sang et les larmes sous ses yeux ébahis.
Elle a recousu la blessure, point par point.
Elle a enlevé le pus qui revenait régulièrement. Et puis elle a attendu, patiemment, que la morsure guérisse.
Quand tout cela fut fait, ils se regardèrent. Ses yeux à elle plantés dans ses yeux à lui, comme des poignards prêts à le crever s’il bougeait.
Son regard à lui était fuyant : il savait qu’il avait perdu, et qu’il perdrait tout en retour, pour avoir mordu une fille trop jeune, pour avoir aimé le goût du sang, et pour le plaisir qu’il en avait pris.
Elle aurait pu le tuer sur-le-champ, elle le savait. Mais elle voulait rester douce, simple, et ne pas avoir de sang sur les mains.
Elle n’avait pas à se venger, car elle savait que la vie fait son chemin…
Elle savait qu’il ne vieillirait pas longtemps, avec, plantés en lui, tous les secrets du sang versé, des jeunes fruits mordus trop tôt, et des filles qu’il avait regardé saigner abondamment.
Alors, sans se retourner, elle décida de continuer son chemin.
Elle avait perdu du temps et n’était plus si neuve, mais elle avait encore beaucoup à apprendre et de la route à faire.
Le monde n’était pas toujours doux, pas toujours bon, elle avait retenu la leçon…
Mais elle voulait continuer d’aimer la vie, d’aimer l’amour.
Elle voulait laisser enfin la place en elle, à quelque chose de meilleur que le pus, le sang, les larmes et la peur de la mort.
Elle le laissa ainsi à son putride destin, et retrouva, parmi les broussailles, son propre chemin, celui qu’elle n’aurait jamais dû quitter.
