On se souvient de tout, les choses reviennent, petit à petit.
Dans le désordre, et surtout dans des moments où on ne s’y attendait pas…
Je me suis réveillée ce matin avec les images d’un instant nauséeux que j’aurais préféré garder enfoui dans ma mémoire.
Je me suis réveillée avec le souvenir de ce qui se passe après.
Quand on n’existe plus. Automate ou être humain endormi.
Et l’autre, qui vient de commettre un viol, à côté, bien vivant. Nous donnant les ordres de ce qu’on doit faire.
Essuie-toi.
Rhabille-toi.
Et on s’essuie, on se rhabille. Mais il n’y a plus personne dans ce corps et les gestes sont automatiques.
Je ne sais plus qui je suis, je ne sais plus ce que je fais là, je ne sais plus ce qui se passe…
Ma vie s’est détruite dans cet instant, soufflée par l’explosion. Il ne reste que mon corps inerte et beaucoup de questions.
Ils savent ce qu’ils font, et ils savent ce que ça nous fait.
S’ils avaient vraiment un peu de cœur, c’est à ce moment-là qu’ils demanderaient Est-ce que ça va ? Ou Qu’est-ce qui se passe ?
Mais ils ne le demandent pas.
Et qu’est-ce que ça leur fait d’avoir à leur côté un être humain déchu, un corps vide de substance ?
Rien, absolument rien. Aucune pitié.
Il a repris la route, il m’a déposée quelque part. Aucun mot gentil.
Et quand nous nous sommes revus, aucune excuse. Il a fait comme si de rien n’était.
Et quand j’essayais de poser des questions, c’était de ma faute…
Qu’est-ce qu’on fait, nous, encore après ?
Je me souviens un peu d’après. Retour à la maison dans le cocon, l’univers reprend ses couleurs et tout est comme oublié.
La routine aide beaucoup, sans doute, à nous faire croire que la vie continue.
C’était un rêve, peut-être, un cauchemar… Voilà ce qu’on se dit.
La vie normale reprend ses droits, et on oublie le gouffre qui s’est ouvert sous nos pieds.
Pourtant, à partir de là, on va commencer à tomber, lentement, inexorablement.
Et il faudra beaucoup de temps pour se relever, ne plus être un automate et redevenir quelqu’un.
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