dimanche 12 avril 2020

Dimanche 12 avril 2020


Fin janvier, dans la foulée des déclarations de Sarah Abitbol, j’ai dénoncé mon entraîneur à la Fédération Française de handball.
A vrai dire, je l’ai fait à tout hasard, pour que quelque chose se passe, pour que les choses bougent un peu.

Mais je ne savais pas que c’était en réalité la meilleure chose à faire.
Je ne savais pas que cet homme qui a abusé de moi devait aussi rendre des comptes à sa fédération.
Et que la fédération, de son côté, avait pour devoir de protéger ses licenciés contre ce genre de prédateurs…

Je ne le savais pas, parce que personne ne nous l’a jamais dit.
Personne n’en a jamais parlé.

Parce que les victimes, la plupart du temps, restent seules au milieu d’un silence de mort.

Et ce silence, personne ne va le briser à notre place, surtout pas… parce que ce sont des choses dont il ne faut pas parler, c’est trop tabou, trop difficile à aborder… Et puis ça n’existe pas, "pas chez nous"…

Jusque-là j’étais seule, et j’attendais des nouvelles de la justice. Des nouvelles qui tardaient à venir…

Alors fin janvier, j’en ai eu marre et j’ai agi.
J’ai répondu à l’appel aux victimes d’Emmanuelle Anizon concernant les violences sexuelles dans le sport, mon témoignage est paru sur le site de l’Obs, aux côtés d’autres témoignages, et j’ai contacté la fédération.

Et là, les choses ont commencé à bougé du côté de la justice…

J’ai constaté au cours de ces derniers mois que les portes ne s’ouvrent pas toutes seules : il faut les défoncer.

J’ai constaté que parler ne suffit pas : il faut crier, hurler, crier encore, jusqu’à être entendu.

Mais même "être entendu" ne suffit pas, et il faut toujours faire plus, parce que les portes défoncées se referment trop facilement…

Ils ne briseront pas le silence à notre place, ils ne le briseront pas pour nous.

C’est à toi, victime, de tout faire pour rompre la glace, c’est à toi d’agir pour espérer qu’ils fassent enfin quelque chose…

Et même quand tu crois que c’est fini, même quand ta voix s’est brisée de trop hurler, il va falloir continuer, pour qu’ils comprennent que tu ne seras plus jamais muette et qu’ils ont intérêt à faire bouger les choses de leur côté.

C’est épuisant, et il faut mobiliser toutes ses forces, alors que le traumatisme nous a mis à terre, alors que nous avons, peut-être, encore peur de notre agresseur, ou encore trop pitié de lui.
Et alors que nous nous sentons seule au monde, de plus en plus seule, même…

On doit aller au-delà de nos peurs et être plus courageux que le courage, ne pas se laisser abattre et rester debout.

Mais, malgré la fatigue, je suis certaine que ça vaut le coup de faire tout ça, et de continuer encore.

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