Fin janvier, dans la foulée des déclarations
de Sarah Abitbol, j’ai dénoncé mon entraîneur à la Fédération Française de
handball.
A vrai dire, je l’ai fait à tout hasard, pour
que quelque chose se passe, pour que les choses bougent un peu.
Mais je ne savais pas que c’était en réalité
la meilleure chose à faire.
Je ne savais pas que cet homme qui a abusé de
moi devait aussi rendre des comptes à sa fédération.
Et que la fédération, de son côté, avait pour
devoir de protéger ses licenciés contre ce genre de prédateurs…
Je ne le savais pas, parce que personne ne
nous l’a jamais dit.
Personne n’en a jamais parlé.
Parce que les victimes, la plupart du temps,
restent seules au milieu d’un silence de mort.
Et ce silence, personne ne va le briser à
notre place, surtout pas… parce que ce sont des choses dont il ne faut pas
parler, c’est trop tabou, trop difficile à aborder… Et puis ça n’existe pas, "pas
chez nous"…
Jusque-là j’étais seule, et j’attendais des
nouvelles de la justice. Des nouvelles qui tardaient à venir…
Alors fin janvier, j’en ai eu marre et j’ai
agi.
J’ai répondu à l’appel aux victimes d’Emmanuelle
Anizon concernant les violences sexuelles dans le sport, mon témoignage est
paru sur le site de l’Obs, aux côtés d’autres témoignages, et j’ai contacté la
fédération.
Et là, les choses ont commencé à bougé du côté
de la justice…
J’ai constaté au cours de ces derniers mois
que les portes ne s’ouvrent pas toutes seules : il faut les défoncer.
J’ai constaté que parler ne suffit pas :
il faut crier, hurler, crier encore, jusqu’à être entendu.
Mais même "être entendu" ne suffit
pas, et il faut toujours faire plus, parce que les portes défoncées se
referment trop facilement…
Ils ne briseront pas le silence à notre place,
ils ne le briseront pas pour nous.
C’est à toi, victime, de tout faire pour
rompre la glace, c’est à toi d’agir pour espérer qu’ils fassent enfin quelque
chose…
Et même quand tu crois que c’est fini, même
quand ta voix s’est brisée de trop hurler, il va falloir continuer, pour qu’ils
comprennent que tu ne seras plus jamais muette et qu’ils ont intérêt à faire
bouger les choses de leur côté.
C’est épuisant, et il faut mobiliser toutes
ses forces, alors que le traumatisme nous a mis à terre, alors que nous avons,
peut-être, encore peur de notre agresseur, ou encore trop pitié de lui.
Et alors que nous nous sentons seule au monde,
de plus en plus seule, même…
On doit aller au-delà de nos peurs et être
plus courageux que le courage, ne pas se laisser abattre et rester debout.
Mais, malgré la fatigue, je suis certaine que
ça vaut le coup de faire tout ça, et de continuer encore.
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