mercredi 26 février 2020

Mercredi 26 février 2020


Le temps est long et lourd quand on est une victime.

Il y a d’abord les années de silence de l’abuseur face à nos questionnements.
Le trou profond dans lequel ce silence nous plonge.

Et ensuite, quand on se décide à aller plus loin, à porter plainte, il y a le silence et le temps de la justice…
Ce temps qui passe lentement, comme un nouveau cauchemar éveillé.

L’audition réveille tous les démons, et on est seul, livré à soi-même, dans ce temps-là encore.
Si aucune branche ne nous permet de nous accrocher, il faut être solide pour traverser ça.
Ce temps, comme un entre-deux dans notre vie déjà compliqué.
Ce silence, qui nous replonge dans la douleur.

Si l’affaire est ancienne, ils diront qu’ils ont sur le feu des affaires plus récentes…
Mais dans les journaux, des affaires anciennes sont traitées tout à coup dans l’urgence, elles… Parce qu’il y est question de personnes plus connues, et que la justice doit rendre des comptes aux médias…

Alors on est là, on attend, on attend et on attend encore.

Parce que malheureusement, il ne suffit pas de parler pour que le coupable soit puni.
Il faut encore une enquête, et elle avancera à son propre rythme… Un rythme qui ne correspond pas à celui de la victime.
Tant que l’accusé n’a pas été interrogé, tout repose sur les épaules fragiles de la victime.

Et on va jusqu’à se demander : Suis-je une assez bonne victime ? Ils disent qu’ils me croient, mais me croient-ils vraiment ?

Et ce stress, qui ronge le ventre… J’ai parlé, mais il est encore libre ? Combien de temps encore avant qu’il soit puni, lui, et plus moi ?

Parce que tout ce temps de silence de la justice, ses questionnements et ses doutes, nous enferment encore plus, nous renvoient dans la cage. A nouveau.

Et quand est-ce que je serai libre, finalement ?
Il faut passer tout ça, et encore d’autres étapes… Et ensuite ?

Qu’est-ce qui nous fait libre ? La justice, ou la guérison du trauma ?
Et la justice, ce n’est rien d’autre que de replonger dans le trauma à cœur ouvert, à corps perdu… A quoi m’ont donc servi ces mois et ces années de travail, s’il me faut à nouveau retomber dedans, si je faiblis au premier interrogatoire ?
Pourquoi je m’inflige ça ? Quelle audace de m’être crue si forte…

Aucun regret, jamais… Mais c’est épuisant et personne ne nous prépare à cela.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire