Je me rends compte que je ne suis pas une personne. Je
suis une tour de contrôle.
Je suis peut-être adulte, mais j’ai grandi par
accident, par nécessité.
Je suis celle du dehors, celle qui doit garder la tête
froide, celle qui supervise.
Je suis celle qui fait avec ses bouts de ficelle, qui
gère au jour le jour.
J’interagis socialement avec le monde, et je contrôle
mes émotions et pensées internes.
En dehors de leur souffrance, les autres parties de
moi ont cette innocence, cette folie, cette insouciance que je ne peux pas me
permettre d’avoir : il y a trop de choses à gérer.
Le monde des adultes est ennuyeux et froid, c’est leur
vision des choses.
Et la mienne aussi, mais je ne peux pas tout leur
autoriser.
Je décide ce qu’il est socialement acceptable de faire
ou non, pour une femme de mon âge.
Mon corps vieillit, pas mon esprit, cela crée un fossé
entre moi et le monde extérieur, un fossé qui s’agrandit d’année en année.
Je contrôle tout, les émotions qui veulent monter dans
mon ventre, je verrouille, je verrouille pour éviter d’être submergée.
Je contrôle mon corps parfois pendant les relations
sexuelles pour éviter d’avoir des flash-back.
Beaucoup moins maintenant, peut-être.
Mais ça arrive encore, quand je suis stressée,
angoissée, que j’ai peur. Quand je sens que ça pourrait monter, revenir.
Quand je suis fatiguée aussi.
Parce que quand je suis fatiguée, je contrôle moins
bien les choses.
Je contrôle tellement que, pendant le yoga, je dois me
forcer à ressentir ce qui se passe à l’intérieur, les muscles qui bougent, le
corps qui s’étire. Sinon je ne ressens rien et je ne comprends pas, je fais les
gestes mécaniquement sans chercher plus loin.
Parfois, je plie, je laisse passer certaines émotions
ou certains comportements, je laisse faire, j’autorise, ou bien je n’ai
pas le choix.
Ça me tiraille à l’intérieur, ça gronde, je ne peux
pas lutter tout le temps ni gérer tout le temps tout.
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