jeudi 25 août 2022

Jeudi 25 août 2022

 

Quand on raconte, on raconte les gestes, peut-être les endroits du corps.

Mais surtout, on dit « Ça ».

 

Quand on raconte, on dit :

« J’ai attendu que Ça se termine »

« Et puis Ça s’est terminé »

« J’ai l’impression que Ça a duré longtemps »

 

On ne dit jamais le mot.

Il se laisse deviner.

 

Parfois, le mot sort de la bouche des autres.

« Viol ». « Agression sexuelle ».

 

Oui, certainement, sans doute… Mais de notre bouche, le mot sort rarement.

Même quand on sait, d’après la définition légale.

 

Peut-être parce que Viol ou Agression sexuelle, ça ne raconte rien. C’est froid, chirurgical, ça ne dit pas assez ce qui s’est passé réellement.

 

Nous, on a ressenti des gestes, des mouvements, qui nous ont marqués, traumatisés.

Qui restent écrits sur notre corps, dans notre peau. Gravés dans notre tête.

 

On raconte les gestes, parce que ce sont eux qui décrivent le mieux.

On dit « Ça », parce qu’il n’y a pas d’autre mot, pas de définition possible finalement.

 

Ça se traduit par viol, ou agression sexuelle, peut-être.

 

Mais Ça, c’est surtout la violence à l’état pur, la pénétration de l’intime.

Quelque chose qu’on n’a pas voulu, qu’on a refusé, et qui a forcé le passage, qui s’est imposé à nous.

 

Après Ça, il ne reste qu’un esprit éclaté en morceaux, un corps abandonné de lui-même, une explosion de l’être.

Alors quand on raconte, on ne dit pas vraiment les mots, parce qu’il n’y en a pas pour décrire Ça.

C’est une affaire de sensations avant tout, bien plus que de mots.

 

Les mots que les autres utilisent pour en parler généralement, ou de manière légale, signifient peu de choses et ne rendront jamais compte de que c’est réellement que de vivre Ça.

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