lundi 10 avril 2023

Lundi 10 avril 2023

Qu’est-ce qu’on fait après avoir passé l’essentiel de sa vie à lutter contre des traumas ?

 

Comment on fait, quand on se réveille à 40 ans, 50 ans, 60 ans, après avoir détaché les boulets qui nous retenaient aux pieds ?

 

Qu’est-ce qu’il nous reste comme vie à vivre, après ça ?

Est-ce qu’on peut faire des projets ?

Et lesquels ?

 

Alors que tout le reste de notre vie nous est passé sous le nez. A cause de nos peurs, de nos angoisses, à cause des flash-back, du mal-être et parfois l’envie de mourir…

Est-ce qu’on peut reprendre le cours de la vie, d’une manière normale, comme si on pouvait de nouveau tout se permettre ?

S’offrir une deuxième jeunesse, peut-être ?

 

Alors que notre jeunesse, la vraie, n’existe plus et n’existera jamais plus...

Comment repartir, faire redémarrer le moteur, sans avoir l’impression d’une vie entière gâchée ?

Il faut faire le deuil de ça, aussi…

J’ai envie de faire mille et une choses, comme si j’avais encore 15 ans. Envie de reprendre le cours de ma vie à partir de là où elle s’est arrêtée.

Mais je n’ai plus 15 ans... J’en ai 42 à présent.

 

Je sais que ma vie ne s’est pas envolée, n’est pas partie en fumée.

Je sais que j’ai fait des choses, quand même.

Et tout ce que j’ai fait, c’était pour arriver à ce moment de ma vie.

 

Ce n’était pas du temps gâché.



Pourtant, si ma vie n’avait pas été faite de traumas, j’aurais pu la passer à faire mille autres choses.

J’aurais pu la passer à vivre, plutôt qu’à lutter.

 

Ce temps perdu, personne ne nous le rendra.

 


jeudi 9 mars 2023

Jeudi 09 mars 2023

 

Le 08 mars me fout le cafard.

 

J’en ai marre d’être traitée comme une petite chose fragile à qui on devrait quand même donner quelques droits.

J’en ai marre qu’on parle de moi comme ça, de ma condition de femme. Et qu’on semble oublier ma condition première d’être humain.

 

Alors que je pensais (naïvement) être née dans un monde où l’égalité était acquise et établie.

Et que je pensais, tout aussi naïvement, que je n’aurais pas besoin de me battre pour faire entendre ma voix…

 

Mais le fait est que non… Après je ne sais combien d’années de lutte (beaucoup trop d’années, en tout cas), on en est toujours là.

A devoir réclamer le minimum.

A demander des choses qui tombent sous le sens.

 

Et à remettre en question le système établi, en espérant que le système se questionne lui-même et se remette lui-même en question.

 

A côté de ça, on loue notre force, notre ténacité. Parce que nous tenons le coup dans l’adversité…

Mais il faut bien être forte pour vivre dans un monde pareil et supporter autant de conneries.

Et il faut être tenace pour continuer malgré tout. Vouloir exister.

Juste vouloir exister, en tant qu’être humain.

 

Nous sommes l’autre moitié de l’humanité, celle qui porte vos enfants et qui les fait naître.

Nous donner de la considération et des droits, ça vous étoufferait ?

 

J’en ai marre de tout ça.

 

 

dimanche 5 mars 2023

Dimanche 05 mars 2023

 

A ces jours où la colère est intacte…

 

Pendant que moi, je continue de me battre avec les démons, dans l’enfer que tu as créé pour moi…

Et pendant que toi, insouciant et libre, tu continues de vivre comme si tu n’avais rien fait de mal…

 

Il y a des moments où la colère est toujours intacte.

Il y a des moments où j’en ai marre de tout ça.

 

Je guéris, c’est vrai.

Et j’avance, c’est vrai.

 

Mais il y a aussi ces jours-là.

Journées de colère contre toi.

Colère contre cette vie et ce chemin que j’ai été forcée de prendre.

 

Viol. Destruction. Traumatisme.

Moi qui me débats depuis des années, pour trouver le chemin de la guérison.

 

Et toi qui, depuis des années aussi, continue de faire celui qui n’a rien fait de mal.

 

Je sais que plus je me bats et plus je me libère de ces démons.

Je sais que plus j’avance et meilleure sera ma vie. Un jour, plus tard... Mais je ne désespère pas.

 

Et je sais aussi que toi, un jour, tu seras rattrapé par ces mêmes démons.

Car, quand ils auront fini de me hanter, c’est vers toi qu’ils viendront.

Et je n’attends que ce jour-là…

 

Sur mon chemin, il y a des jours meilleurs et ils sont de plus en plus nombreux, de plus en plus  beaux.

 

Mais certains jours, comme aujourd’hui, ce n’est rien d’autre que la colère, la tristesse, et le souvenir de la nuit noire dans laquelle tu m’as plongée.

Tout ce qui a été brisé, tout ce que je dois réparer…

samedi 28 janvier 2023

Samedi 28 janvier 2023

 

Un homme, connu et reconnu de tous. Un homme admiré, et considéré jusque-là comme admirable.

Mais un homme qui consomme de la pédopornographie et qui a dragué des jeunes garçons, jusqu’à en inviter un chez lui.

Ne nous dites pas que ça concerne sa vie privée.

Ne soyez pas désolés que ça soit paru dans les journaux, toujours en invoquant la vie privée.

 

La pédopornographie, ce n’est pas de la vie privée.

Ça nous concerne tous.

 

Qui pense à ces enfants sur lesquels il se masturbait, fantasmait ?

Qui pense à ceux qu’il a approchés, sous le pseudo dégoûtant de « Daddy » ?

Qui pense à ce que ces enfants ont vécu, ou vivent encore à l’heure actuelle ?

 

C’est la vie privée de qui, ça ?

Ça nous concerne tous.

 

Fermer les yeux parce que c’est un « grand homme ». Parler d’autre chose. Changer de sujet, le plus rapidement possible…

Pour éviter d’avoir à réfléchir, pour éviter de se sentir concerné.

 

Mais, c’est la vie privée de qui ? La vie privée de quoi ?

 

Oui, il fallait que  nous sachions ça, que même les hommes les plus admirables peuvent être les plus dégoûtants et faire les choses les plus dégoûtantes du monde.

Et non, on ne devrait pas passer à autre chose aussi rapidement.

 

On devrait, au contraire, prendre le temps d’y réfléchir. Ouvrir grand les yeux sur la réalité de ce que cette histoire nous apprend, ce que cela nous enseigne.

 

C’est dégueulasse. Absolument dégueulasse.

Et l’avocate qui veut nous faire croire que son client n’est pas un monstre, parce que quand même il pensait que le gamin avait au moins quinze ans.

Comme si c’était normal d’inviter des enfants de 15 ans chez soi, quand on a cinquante-deux ans.

 

Et les gens qui voudraient nous faire croire, que des horreurs pareilles sont de l’ordre du privé… Si j’étais vous je me questionnerais sur ces gens. Que font-ils, eux, dans leur vie privée ? La même chose, peut-être…

 

Le sport m’écœure, le handball m’écœure, tout m’écœure à l’heure actuelle.

 

https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/01/25/bruno-martini-ex-gardien-de-l-equipe-de-france-de-handball-poursuivi-pour-corruption-de-mineur-et-detention-d-images-pedopornographiques_6159212_3242.html

 


samedi 3 décembre 2022

Samedi 03 décembre 2022

 

Ce monde n'est pas fait pour les victimes de viol.
Il faut avancer, toujours... Pas le temps d'appuyer sur pause.

On te juge sur ton comportement, ta façon d'être, ta manière de t'habiller, alors qu'on ignore tout de ta vie.

Et peut-être que ton comportement, tes vêtements et tout le reste, sont justement liés à tes traumatismes...

Mais personne ne parle de ça.

On n'est pas censé en parler. On n'est même pas censé le montrer.

La vie doit continuer, le monde doit avancer.
Et toi aussi, tu dois continuer, avancer...

Parce qu'il faut jouer le rôle. Et ici, chacun joue le sien.

Il n'y a pas la place pour le traumatisme, pas le temps d'expliquer son état. C'est du privé, ça ne regarde personne.

Et pourtant, ça définit une partie de notre vie, au jour le jour...

Il y a des jours où ça va, et d'autres où ça ne va pas.
Ça change souvent, ça change tout le temps... Parce que c'est comme ça, en vrai, la vie d'une personne violée.

Aujourd'hui peut-être, c'était une mauvaise journée parce que tu as eu des cauchemars, des flash-back... Et donc tu a été moins attentive à ce qui se passe autour, plus fermée, tu avais l'air moins sympathique.

Mais en société, il faut tout donner, être ok tout le temps, ne pas s'arrêter, continuer, et faire comme si... C'est ce qu'on demande à tout le monde, donc on te le demande à toi aussi.

Et il paraît que tout le monde y arrive, donc tu devrais y arriver aussi.

Si ça ne va pas, il faut savoir passer à autre chose. Comme en un claquement de doigts.
Si tu ne sais pas le faire, c'est que tu es définitivement trop faible, ou bien flemmarde.

Quand tu ne t'en sors pas, l'échec vient forcément de toi.

Alors que le principe du traumatisme, c'est qu'il revient, il te hante. Et passer à autre chose est la pire des solutions.
Faire comme si est la pire des choses...

Et il faut, pourtant, être bien habillé, bien coiffé, et toujours de bonne humeur, sociable, et puis productif aussi.
Parce que c'est important.

Le trauma, rien à foutre, parce que ce n'est pas un handicap qui se voit, parce qu'ils s'imaginent que c'est comme tout le reste.
Alors ils te disent : la vie est difficile, c'est comme ça pour tout le monde, il faut faire avec.

Mais la vérité, c'est qu'ils ne savent pas. On n'est pas réglé comme eux. Ce qu'ils appellent "difficile", ce n'est rien, ce n'est pas ça.
Ce que nous vivons, nous, c'est l'enfer. Et à ça, on ne s'habitue pas.

Cette société n'est pas faite pour les victimes de viol.
Elle ne sait pas les prendre par la main pour les aider à se réparer, aussi lentement que possible, car il faut prendre le temps pour redonner confiance.
Il faut prendre le temps pour réparer le trauma.

mercredi 30 novembre 2022

Mercredi 30 novembre 2022

 

Une seule victime parle et on ne la croit pas.
Quand dix victimes parlent, on ne les croit pas plus.

"Présomption d'innocence", c'est tout ce qu'ils savent répliquer pour parer aux accusations...

Et aussi, "laissons la justice faire"...
Mais la justice, elle laisse en liberté bien trop de criminels pour qu'on lui fasse confiance.

Ainsi, le nombre de victimes ne suffit pas... Parce que ce sont des femmes, tout simplement, peut-être ?

Nous vivons dans un pays où la parole des femmes est mise en doute, de même que la parole des enfants quand ils dénoncent avant la prescription. Ce n'est jamais le bon moment pour parler, parce qu'on n'est jamais crus.

Seule la parole de l'homme compte, et quand un homme dit qu'il est innocent, on le croit...

Un homme seul suffit à établir n'importe quelle "vérité".

Mais une vérité qui sortirait de la bouche d'une femme, on la remet en cause, on la remet en doute.
On la renvoie dans les cordes de la justice, qui se fera un plaisir de la tacler pour la mette définitivement K.O.

Après des années de lutte pour l'écoute et l'égalité, on en est toujours là...

lundi 7 novembre 2022

Lundi 07 novembre 2022

 

Je vis dissociée de mon passé.

Ça veut dire que je suis capable de vivre la plupart du temps comme si rien ne m'était arrivé, et comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes...

Mais parfois (souvent), le passé frappe à la porte pour me dire : tu as été violée, c'est réel, et voilà tout ce qui ne va pas bien chez toi depuis...

Le traumatisme remonte alors comme s'il venait tout juste de se produire.

Les émotions qui vont avec, aussi.

Et ma vie telle que je la vis au présent m'apparaît comme mensongère.

Il semble que la seule solution pour que j'aille mieux, c'est que j'accepte ce passé comme faisant partie intégrante de ma vie.

Que j'accepte cette fille violée comme étant moi et non pas une fille du passé, une autre séparée de moi.

C'est pourtant bien plus facile de vivre ma vie en faisant comme si ce qui était arrivé ne m'était pas arrivé à moi...

Mais on ne peut pas vivre comme ça.

Quand je pense au trauma, quand j'essaie de le regarder bien en face, j'ai toujours la nausée, le dégoût, la colère, l'impression de mourir, et l'envie de mourir.

Je ne peux pas.

Le passé est mieux loin, dans un autre univers, le plus loin possible de moi.

Et pourtant, pour aller mieux il semble que la seule solution soit d'accepter.

Pouvoir dire "oui, c'est bien arrivé", mais surtout "ça m'est bien arrivé à Moi".

C'est tout sauf quelque chose de réellement facile à faire.

J'ai remarqué que je suis la seule à refuser autant mon passé.

Les personnes qui m'aiment, elles, m'acceptent entière et telle que je suis, avec ce passé.

C'est étrange.

Et significatif : je n'aime pas mon  passé, je ne l'accepte pas, donc je ne m'aime pas.

Je manque de bienveillance envers moi-même.

Les personnes qui m'entourent sont bien plus aimants envers moi que moi envers moi-même...

J'espère changer ça. Vraiment.